Le spectre des images - Formes et représentations en linguistique et littérature Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue CinémAction Année : 2009

Le spectre des images

Résumé

Si les films de Sokourov résistent à l'habituelle séparation entre documentaire et fiction, c'est qu'il ne s'y joue qu'un seul drame : celui de l'image. Certes, dire d'un cinéaste que son univers est un monde d'images pourrait passer pour une tautologie. C'est pourtant la seule manière de cerner l'enjeu de la position, aussi essentielle que paradoxale, de Sokourov : le point où, pour lui, se nouent les liens du cinéma et de la peinture. « La peinture, dit-il, est devenue capitale pour moi. Mais il fallait vaincre la surface. Le volume ne m'intéressait pas. Qu'est-ce que l'être de la surface ? […] C'est au cinéma de faire le pas. C'est la question de l'être-en-surface du cinéma. » 1 Une surface d'apparition Conquérir « l'être-en-surface » du cinéma, « aplatir » l'image, peut s'entendre de deux façons. La première serait d'ordre esthétique, puisque l'illusion du volume a accompagné la révolution figurative de la Renaissance occidentale. Le tournant, c'est en effet le creusement de l'espace pictural, son déploiement dans la profondeur fictive de la représentation, soudain libérée de la planéité du support. Le modelé des corps et des visages, le relief des objets, obtenus par un jeu savant d'ombres et de lumière, relevaient alors du savoir-faire des peintres. Avec la photographie, puis le cinéma, ils sont devenus sinon un jeu d'enfant, du moins le résultat d'une série d'opérations optiques et mécaniques d'enregistrement. Représentation et reproduction du visible en sont donc venues à se confondre. C'est la mortification de ces images « moulées » 2 sur le réel, images-simulacres ou « figura », c'est-à-dire masques mortuaires d'un monde réduit à l'état de cadavre que l'oeuvre de Sokourov récuse. Ouvrir l'image cinématographique à « l'être-en-surface » reviendrait en quelque sorte à combattre le régime de la « ressemblance », du moins au sens que Maurice Blanchot donne à ce terme : le point où l'image procède du cadavre. « Il se pourrait, dit-il, que l'étrangeté cadavérique fût aussi celle de l'image. […] Quelque chose est là devant nous, qui n'est ni le vivant en personne, ni une réalité quelconque, ni le même que celui qui était en vie, ni un autre, ni autre chose. […] A ce moment où la présence cadavérique est devant nous celle de l'inconnu, c'est alors aussi que le défunt regretté commence à se ressembler à lui-même. » 3
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Sokourov ou Le spectre des images_CinémAction n° 133_2009.pdf (237.82 Ko) Télécharger le fichier
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Citer

Sylvie Rollet. Le spectre des images. CinémAction, 2009, Alexandre Sokourov (François Albera et Michel Estève, dir.), n°133, pp 64-72. ⟨hal-02735634⟩
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